Abbas Kiarostami et “Le Goût de la cerise” : quand l’art se heurte à la censure en Iran

 

En 1997, le réalisateur iranien Abbas Kiarostami a marqué un tournant dans l’histoire du cinéma mondial en remportant la Palme d’or au Festival de Cannes pour son film controversé Le Goût de la cerise (Taste of Cherry). Un triomphe qui aurait dû être une fierté nationale s’est transformé en véritable scandale en Iran, déclenchant une vague de critiques virulentes.


Le film suit le parcours d’un homme qui erre dans les environs de Téhéran à la recherche de quelqu’un pour l’aider à mettre fin à ses jours. Ce sujet tabou a immédiatement heurté les sensibilités religieuses et sociales du pays, où le suicide est strictement interdit par l’islam, considéré comme un péché menant directement en enfer. De nombreux cercles conservateurs ont vu dans ce film un encouragement à la transgression morale et à la perte de foi.


Mais au-delà du contenu du film, c’est une image en particulier qui a choqué l’opinion publique iranienne : celle de l’actrice française Catherine Deneuve embrassant Kiarostami sur la joue en lui remettant la Palme d’or. Ce geste, anodin dans un contexte occidental, a été qualifié de “honteux” par les autorités iraniennes, qui ont immédiatement réagi en plaçant le cinéaste sur une liste noire officieuse, limitant sa présence sur la scène culturelle iranienne.


Kiarostami, qui n’a jamais été un réalisateur politique au sens strict, a toujours défendu une vision contemplative et profondément humaine du cinéma, affranchie des dogmes et des pressions idéologiques. Après cet épisode, il a passé de longues périodes à l’étranger, poursuivant son œuvre loin de l’appareil officiel iranien.


L’histoire de Le Goût de la cerise illustre avec force la confrontation entre la liberté artistique et les interdits religieux. Elle montre comment une consécration internationale peut se transformer en crise nationale, lorsque les valeurs culturelles locales entrent en conflit avec l’expression créative. Malgré tout, Abbas Kiarostami reste une figure incontournable du renouveau cinématographique iranien, et l’un des artistes les plus respectés de son temps.