Dans un geste de reconnaissance et de fidélité, le Festival International du Cinéma d’Animation de Meknès avait rendu hommage, lors de son édition de 2024, à l’une des figures emblématiques de cet art au Maroc : Hamid Semlali, véritable pionnier de l’animation marocaine, dont l’œuvre a marqué des générations d’enfants et d’adultes depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui.
Ce n’était pas un simple hommage festif, mais bien une reconnaissance symbolique du parcours d’un homme qui a voué sa vie à un art rare, convaincu du pouvoir de l’image à nourrir l’imaginaire et à forger le goût esthétique de l’enfant marocain.
Un hommage mérité pour un artiste célébré non seulement pour ses œuvres, mais surtout pour son engagement, sa persévérance et sa capacité à rendre le rêve possible en temps d’incertitude.
De Kénitra à Bagdad… De l’Europe de l’Est à la mémoire collective marocaine
Né en 1950 à Kénitra, Hamid Semlali a très tôt révélé une passion singulière pour l’univers de l’animation. Il partit étudier à Bagdad, où il obtint une distinction de l’Institut des Beaux-Arts, avant de s’envoler vers l’Europe de l’Est, plus précisément la Yougoslavie, où il bénéficia d’une formation professionnelle au sein des studios réputés Kratki Film. Ce passage marqua un tournant décisif dans la maturation de son langage artistique.
Loin de se limiter à l’apprentissage, Semlali sut transposer son expérience internationale au contexte marocain, devenant ainsi l’un des rares artistes à avoir ancré l’art de l’animation dans un pays alors dépourvu de structures ou de soutien spécifique.
C’est en cela que son hommage prend tout son sens : il bâtit, dans le silence et la ténacité, une véritable école artistique marocaine, à la fois singulière et authentique.
“Sardine au citron” et “Didi la poule”… Des icônes inoubliables
Les Marocains se souviennent encore des célèbres spots publicitaires de Semlali diffusés à la télévision nationale dans les années 70 et 80, notamment celui de la “sardine au citron”, qu’il réalisa avec un style mêlant humour et simplicité.
Au début des années 80, il signa son premier court-métrage d’animation : “Didi la poule”, une fable satirique et symbolique racontant l’histoire d’un enfant rêvant de se transformer en poule.
Un tournant décisif : l’art plutôt que l’enseignement
Dans un entretien accordé à SNRTnews, Semlali avait confié avoir quitté l’enseignement en 1985 pour se consacrer pleinement à sa passion : l’animation et la littérature jeunesse. Une décision audacieuse, à une époque où le cinéma était encore un secteur fragile et marginalisé.
Mais il croyait fermement en la capacité de l’imaginaire à transmettre les valeurs et à éduquer de manière créative.
Avec le recul, le temps lui a donné raison. Son choix s’est révélé non seulement courageux mais noble, et mériterait bien plus d’un hommage.
Un héritage riche… et une littérature qui prolonge l’image
Au fil des années, Semlali a accumulé une filmographie remarquable, avec plus d’une dizaine de courts-métrages d’animation, dont “El Mellout”, “Boubou le survivant”, “Boubou et le génie”, “L’oiseau de l’Atlas”, entre autres.
Ses œuvres se distinguent par leur profondeur éducative, leur richesse symbolique, et leur capacité à dialoguer avec tous les publics : enfants, parents, enseignants et médiateurs culturels.
En parallèle de sa carrière de réalisateur, Semlali s’est également investi dans la littérature jeunesse, collaborant avec de grandes figures de la culture marocaine comme Ahmed Abdessalam El Bekali, Larbi Benjelloun ou encore Ali Squalli, dans la création de récits devenus des références dans l’univers de l’édition pour enfants.
Un artiste au service de la nation… et un hommage bien mérité
L’hommage rendu à Hamid Semlali à Meknès fut bien plus qu’une reconnaissance individuelle. Il représentait un salut collectif adressé à tous les artistes marocains qui ont choisi de servir leur pays, dans la discrétion et l’abnégation, à travers l’art.
Semlali incarna cette vision : faire de l’animation un acte d’amour, d’éducation et de conscience.
Il mérita amplement cet hommage, car il ne fut pas un artiste de passage, mais un véritable fondateur, un bâtisseur d’imaginaires, qui fit de l’enfant marocain un spectateur éveillé et curieux.
Hamid Semlali n’est pas seulement un nom associé à l’animation, mais un symbole de la culture marocaine dans ce qu’elle a de plus poétique, généreuse et inventive.
Appel aux institutions académiques : inscrire Semlali dans le cœur de la formation artistique
Car la valeur d’un artiste ne se mesure pas uniquement à son œuvre, mais à sa capacité à transmettre et à inspirer.
Hamid Semlali est aujourd’hui une référence vivante, dont l’expérience devrait être partagée avec les nouvelles générations.
Les écoles de cinéma, les instituts d’art, les universités spécialisées sont appelés à l’accueillir, à travers l’organisation de masterclass, d’ateliers et de rencontres avec les étudiants. Il s’agit d’une opportunité précieuse pour comprendre l’essence pédagogique et créative de son travail, et pour transmettre à une nouvelle génération les clés d’un art noble et exigeant.
Intégrer Hamid Semlali dans les parcours de formation artistique ne relève pas seulement du devoir moral, mais constitue une occasion unique de semer les graines d’un avenir culturel rayonnant, guidé par l’imaginaire, la rigueur et l’amour de l’enfance.
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